Sortie du remboursement de certains médicaments

Sortie du remboursement de certains médicaments :
Pourquoi et selon quels critères ?

Une gestion du prix du médicament remboursé extrêmement rigide

Lorsque l’on compare le prix du médicament remboursé en France à celui des autres pays européens, les constats sont simples :

  • La France est un des pays comptant le plus de produits remboursés. Cependant le prix de ces médicaments est l’un des plus bas au sein de l’Union Européenne.
  • Le prix des médicaments remboursés est fixé par les Pouvoirs Publics au moment de leur commercialisation, les laboratoires n’ayant comme choix que de l’accepter ou de le refuser.
  • Une fois fixé, ce prix s’oriente ensuite inexorablement à la baisse, sous l’effet de décisions prises unilatéralement par les pouvoirs publics.
    C’est mécanique : les économies réalisées sur les médicaments existants doivent contribuer à financer l’arrivée d’innovations.
  • Pour les médicaments dont le prix est de quelques euros, le prix de vente des industriels représente moins de la moitié du prix de vente public.
    Sur ces produits, la marge de distribution est souvent supérieure à celle de l’industriel.
  • Les demandes d’augmentation de prix faites par les industriels ne sont que rarement satisfaites.

Les raisons d’un changement

Si ces constats ne sont pas nouveaux, la conjonction de plusieurs facteurs vient aujourd’hui déstabiliser le modèle économique de ces médicaments au point de mettre les laboratoires qui les commercialisent dans une impasse financière.

Il y a d’abord 2 facteurs dont l’effet se fait ressentir depuis un certain temps déjà.

Le premier de ces facteurs est l’inflation inédite subie depuis 3 ans. Au cumul, sur cette période, l’augmentation des prix de fabrication peut allègrement dépasser les 30% et conduire ce coût à se rapprocher du prix de vente fabriquant de ces médicaments.

Le second facteur souvent largement sous estimé, est lié à l’augmentation significative des coûts d’exploitation d’un établissement pharmaceutique. En l’espace d’une quinzaine d’années, les contraintes et les contrôles auxquels les laboratoires pharmaceutiques doivent faire face ont drastiquement augmentés, mettant sous tension des métiers comme le contrôle qualité ou les responsables réglementaires.

Si cette évolution vient sécuriser l’industrie de médicament, les coûts de cette sécurité sont, pour beaucoup, des charges fixes déconnectées de la taille du laboratoire.

Il y a ensuite 2 autres éléments liés aux priorités de notre politique de santé publique: Le renforcement de notre souveraineté et l’accès à l’innovation.

La renforcement de notre souveraineté nous impose aujourd’hui d’initier un processus de relocalisation de la fabrication d’un nombre important de nos médicaments. La pandémie récemment traversée a servi de cruel révélateur.

Cette contrainte, qui va s’imposer progressivement à un nombre croissant d’industriels, pourrait avoir un impact sur les coûts de fabrication encore supérieur à celui de l’inflation.

Enfin, les besoins de financement nécessaires pour maintenir l’accès à l’innovation vont croître significativement dans un proche avenir. Sous l’impact de l’arrivée d’un tsunami d’innovations thérapeutiques, les marges de manœuvres permettant la revalorisation du prix des médicaments existants vont fondre rapidement.

Les critères à considérer

Dans ce contexte sous forte tension, il apparait comme opportun de reconsidérer les possibilités de sortir du remboursement de certaines spécialités pharmaceutiques dont la plupart sont anciennes et appartiennent à des sociétés de taille modeste.

Alors que l’autorisation d’une sortie de remboursement s’obtient aujourd’hui auprès de l’HAS sur la base de critères de santé publique, il est désormais nécessaire que cela puisse se faire également en fonction de considérations économiques

sur la base des 3 principes suivants :

  • La démonstration faite d’une augmentation significative des coûts de fabrication.
  • Le non aboutissement de demandes répétées faites auprès des Autorités d’augmentation du prix de la spécialité.
  • Enfin, dans le cas de spécialités principalement commercialisées à l’export et avec des faibles volumes en France, lorsque le prix de ce médicament remboursé en France devient un obstacle à l’obtention d’un prix plus intéressant dans les autres pays.

Si les médicaments concernés, remplissant les conditions ci-dessus, disposent d’alternatives thérapeutiques remboursées, la sortie de remboursement n’entrainerait pas de nuisances en terme de santé publique.

Si les médicaments concernés ne disposent pas d’alternatives thérapeutiques, les Pouvoirs Publics, chargés de faire appliquer la loi, ne sauraient contraindre des acteurs de santé à vendre à perte, pratique illicite et interdite en France depuis la loi du 2 juillet 1963, et une sortie du remboursement nous paraîtrait totalement licite.Nous ne doutons pas qu’arriver à une telle issue puisse être évitée, le tact et la mesure ainsi que l’attachement de l’ensemble des acteurs de santé à notre Système de soins devraient prévaloir.

Edgard Bertrand, Philippe Géhin